Le millésime 2024 à Bordeaux se présente comme une année de contrastes et de défis, mais également d’opportunités pour produire des vins dans l’air du temps.
Il va sans dire que l’année 2024 a été une des plus humides connues à Bordeaux, avec une pluviométrie exceptionnelle. Beaucoup vont donc tirer une conclusion bien rapide de cet état de fait en pensant que ce millésime ne peut pas avoir produit de vins de qualité dans de telles conditions.
C’est là qu’ils se trompent car ce raccourci ne prend pas en compte la vraie évolution du climat mais aussi son adaptation par le viticulteur. Il y a 30 ou 40 ans, année froide et pluvieuse rimait avec millésime faible. Ce n’est plus le cas, car ce que l’on considère comme une année froide aujourd’hui reste une somme de température élevée qui confirme malgré le ressenti, le réchauffement climatique.
Au mois de septembre, aujourd’hui, la maturité physiologique des grappes est bien plus avancée qu’elle ne l’était il y a 40 ans, ceci grâce à la somme des températures de la saison de croissance de la vigne. Depuis les années 80/90, les viticulteurs ont tiré les leçons de vignes surchargées, qui ralentissent la maturité et favorisent le Botrytis. Maintenant les vignes sont effeuillées, permettant une bonne aération des raisins dont le nombre par pied est parfaitement régulé. La vigueur de la vigne est contrôlée, par la concurrence due à l’enherbement, par un enracinement profond grâce aux bons portes greffes et par une taille adaptée.
La viticulture d’aujourd’hui aidée par des machines chaque fois plus performantes pour positionner les produits de traitement, et par une multitude de capteurs pour évaluer les risques ou la situation de la plante, permet des résultats qu’il était impossible d’imaginer il y a quelques décennies en arrière.
Grace à tous ces paramètres, qui conduisent à un état sanitaire et une maturité physiologique des raisins bien supérieurs à ceux connus il y a 40 ans, il est possible que 100mm de pluviométrie sur la période de récolte ne tourne pas au désastre.
Ensuite, il faut bien comprendre les efforts humains qui sont développés à la récolte et dans les caves, dans des situations comme celle de 2024 :
Premièrement, la sélection rigoureuse à la parcelle, le tri minutieux pour ne prendre que les bons raisins, tri que des machines sophistiquées renforcent à l’entrée du raisin en cave.
Deuxièmement, les moyens analytiques à notre disposition pour appréhender l’état physiologique et chimique du raisin.
Enfin, les méthodes de vinification inspirées du brassage de nos œnologues avec d’autres régions, du savoir-faire de nos opérateurs ou des consultants, permettent d’adapter la construction du vin au potentiel du raisin.
C’est avant tout ce qu’il faut prendre en considération si on veut comprendre le résultat parfois exceptionnel du millésime 2024 au regard de la climatologie vécue par les viticulteurs.
Il faut bien tenir compte d’un paramètre qui a énormément contribué à la réussite de ce millésime, c’est un été avec 5 semaines sans pluie et un mois d’août chaud.
Bien sur 2024 sera avant tout un millésime de grands terroirs, ceux qui drainent le mieux l’excès d’eau et les producteurs vont avoir un choix rigoureux à faire pour ne garder dans l’assemblage que les vins issus de ces meilleures parcelles. Les quantités qui sortiront des caves en première étiquette ne seront pas aussi importantes que lors de millésimes plus simples. Mais le principal sera assuré et les vins embouteillés dans un an et plus, seront à la hauteur de leur rang.
2024 va se différencier en densité, d’un millésime chaud et sec comme 2022, il est déjà acquis par les producteurs qu’il présente plus de richesse aromatique et de corps que les 2021.
Les arômes de fruit sont marqués, la couleur ne fait pas défaut, donnant une première impression positive, les tanins fins s’expriment sur la tension grâce à une bonne acidité, le gras est moyen et les vins donnent des signes de buvabilité précoce.
Tous ces points seront un atout pour les amateurs, de plus en plus nombreux, de vins prêts à boire jeunes, sur le fruit et la fraicheur.
2024 est sans aucun doute un millésime moderne, qui peut relancer Bordeaux dans un secteur où on ne l’attend pas. La précocité, la buvabilité, la fraicheur….
Ces commentaires qui parlent plus des vins rouges se retrouvent aussi sur les vins blancs. Les Pessac-Léognan ne font pas exception à la puissance aromatique mais en plus ils ont un gras que personne n’aurait imaginé avec une finale acide promettant un vieillissement très long. C’est sans aucun doute un excellent millésime en blanc.
Les dégustateurs qui vont venir apprécier ces vins lors des primeurs verront que les efforts incroyables réalisés par les viticulteurs se retrouvent dans la qualité des vins. Cependant il faudra aussi savoir apprécier ces vins avec des critères différents de ceux dont on a l’habitude à Bordeaux mais qui sont certainement ceux que recherchent nos consommateurs d’aujourd’hui.
Résumé des Conditions climatiques
– Un début difficile : L’année a commencé avec un hiver et un printemps pluvieux, favorisant une pression parasitaire importante, notamment le mildiou, et une floraison hétérogène dans de nombreuses parcelles.
– Un été contrasté : Malgré une météo capricieuse, le mois d’août a offert des conditions plus favorables, avec des journées chaudes et ensoleillées et des nuits fraîches, idéales pour les maturations des raisins.
– Vendanges tardives : Les raisins rouges, notamment les Cabernet-Sauvignon, ont nécessité une maturité plus longue, avec des vendanges majoritairement réalisées en octobre, ce qui est relativement rare sur la dernière décennie.
Caractéristiques du millésime :
– Blancs : Les vins blancs montrent des arômes éclatants, une belle fraîcheur et des degrés modérés, grâce à des conditions favorables pendant l’été.
– Rouges : Les rouges semblent prometteurs, avec une couleur profonde, des arômes intenses et une bonne sapidité. Bien que la structure puisse être légère, le potentiel de vieillissement est notable, en particulier pour les cépages tardifs comme le Cabernet-Sauvignon.
– Volumes : Une baisse globale de production est attendue en raison des défis climatiques et des phénomènes comme le millerandage et la coulure.